BASSIN CHIMIQUE DE LACQ : LA SURPRENANTE MANSUÉTUDE DE l’ÉTAT À L’ÉGARD DES INDUSTRIELS
Communiqué du 12 décembre 2017
Article mis en ligne le 15 décembre 2017

Le bassin industriel de Lacq en Béarn situé dans les Pyrénées Atlantiques (64), initialement voué à l’exploitation d’un gaz hautement toxique et à sa valorisation chimique, comprend actuellement une vingtaine d’usines classées SEVESO.
Depuis 2014, des riverains se plaignent de façon récurrente de nausées, maux de tête, atteintes cutanées et problèmes respiratoires allant jusqu’au bronchospasme. Or, depuis 3 ans, les industriels et l’Etat leur répondent en substance : « Nous cherchons les causes, nous ne trouvons pas, nous faisons de notre mieux, soyez patients… ».
Preuves à l’appui, la SEPANSO démontre que, pour au moins deux entreprises, l’inspection des installations classées connaissait leur dysfonctionnement chronique. Les preuves sont accablantes. La résolution des problèmes prend plusieurs années, voire une décennie.

1. LES CAS DE SOBEGI à LACQ, d’ARKEMA et de SBS à MOURENX

La SOBEGI, filiale de TOTAL, gère une Unité de Traitement des Gaz (UTG). Elle épure le gaz brut (300 000 m3/j) extrait du sous-sol qui alimente ensuite d’autres usines du bassin. Son rôle est essentiel. Dès l’ouverture de l’UTG en 2013, l’industriel ne respecte pas l’arrêté préfectoral l’obligeant à traiter ses rejets et spécifiant que « seules les situations accidentelles ou les indisponibilités non programmées et de courtes durées des installations de traitement des évents peuvent conduire à l’utilisation du réseau torche ». Or le rapport d’inspection du 29 décembre 2015 révèle que l’utilisation du réseau torche était en fait permanent. Un arrêté de mise en demeure pris le 06 janvier 2016 laisse à l’industriel jusqu’en juillet 2016 pour résoudre le problème et se mettre en conformité. Pendant près de 3 ans, l’industriel a envoyé délibérément à la torche des effluents gazeux non traités amplifiant la pollution de l’air. Sur la base de ces données officielles la SEPANSO a déposé une plainte auprès du procureur de la République.
ARKEMA Mourenx fabrique des composés intermédiaires de chimie organique à base de soufre (thiochimie) et a géré de 1998 à 2015 un stockage d’acroléine (substance chimique hautement toxique) pour SBS, usine voisine. Un rapport de l’inspection nous renseigne sur la dangerosité de ce stockage d’acroléine : « Deux scenarii d’accidents présentent des effets létaux significatifs à plus de 1200 m, pouvant impacter de nombreuses populations ».
En 2014, la SEPANSO apprend que ce site SEVESO ne respecte pas son arrêté préfectoral d’autorisation de 1997 et que l’inspection des installations classées le sait depuis juillet 2010. Les effluents gazeux chargés d’acroléine sont torchés et non envoyés à l’incinérateur. Depuis 2010, l’inspection a rappelé à plusieurs reprises l’exploitant à ses obligations puis l’a mis en demeure en 2013 de s’y conformer, sans résultat. Elle a procédé à une nouvelle mise en demeure en 2014 pour finalement accepter la proposition de l’exploitant d’une solution alternative qui consiste à réduire les émissions à la source. Un arrêté de prescriptions complémentaires pris en mars 2015 accorde à l’exploitant un délai jusqu’au 01/01/2020 pour sa mise en œuvre. En août 2015, la gestion du stockage d’acroléine passe d’ARKEMA à la société SBS. ARKEMA qui n’est plus responsable de ce stockage, vient de se débarrasser de la mise en place de la solution alternative proposée et d’un passif de cinq années de fonctionnement non conforme.
Ainsi donc, non seulement les industriels ont des comportements inconséquents, non seulement les arrêtés préfectoraux ne sont pas respectés, mais en plus l’administration accorde aux industriels des délais de mise en conformité beaucoup trop longs pour préserver la santé financière des entreprises et ce, au détriment de la santé des salariés et des riverains et de la qualité de l’air.

2. RÉTENTION D’INFORMATION ET DÉSINFORMATION
Des documents bien gardés : Aujourd’hui la base de données des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE) ne permet pas d’accéder aux documents relatifs aux entreprises ; lorsque cet accès était possible tous les documents n’y figuraient pas. Au nom de l’état d’urgence (et du secret industriel), les documents sont rendus encore plus difficilement accessibles et pour certains ont leur contenu en partie masqué. De son côté, l’ARS (ex DDASS) a caché pendant plus de 12 ans l’étude épidémiologique ISPED rendue en 2002, alors que celle-ci dévoilait une augmentation de mortalité pour l’ensemble des cancers de 30 à 40% entre 1991 et 1998 sur la zone la plus proche des installations…
Une population désinformée : Les élus sont dans une position de déni du problème sanitaire, n’hésitant pas à dépenser l’argent public en publi-reportages (groupe Sud-Ouest) pour annoncer l’avenir radieux de l’après-TOTAL sans jamais aborder les conséquences environnementales et sanitaires !
Concernant l’analyse de l’étude épidémiologique, l’administration évitait de commenter les chiffres, faisant référence à une autre étude beaucoup plus rassurante mais qui n’a rien à voir avec une étude épidémiologique. L’attention du public a été sciemment détournée.
Lors d’une réunion de concertation en décembre 2015 devant les élus, représentants de l’Etat, syndicats, associations environnementales et industriels, la DREAL n’hésite pas à affirmer que toutes les entreprises respectent les arrêtés préfectoraux. Le rapport d’inspection de SOBEGI du 22 octobre 2015 prouve le contraire.
Ne peut-on pas parler ici de dissimulation délibérée ?

3. CONCLUSION
Concernant les risques sanitaires et environnementaux, élus, industriels et administrations avaient été mis en garde dès le début des années 2000, par le Conseil Général des Mines et l’Inspection Générale de l’Environnement, de la dangerosité des activités chimiques et de la nécessité d’une importante vigilance… La Cour des comptes l’a rappelé dans son référé d’avril 2015. Aujourd’hui, les populations sont en souffrance. Il y a quelques jours à peine, le responsable de la SOBEGI affirmait encore que « les plaintes n’émanent que d’une dizaine de personnes », le préfet qualifiait « les nuisances en cause de relativement modestes eu égard aux enjeux industriels et économiques ». État et industriels cherchent vainement à minimiser les effets de cette industrie sur les salariés, les riverains et l’environnement ; mais les preuves sont là.
La révolte des riverains (ARSIL), les recours de la SEPANSO démontrent que les associations ne se contenteront pas de propos « rassurants ». Les problèmes devront être résolus rapidement et les responsabilités trouvées et assumées.