Contrairement à ce qui a été dit en novembre 2021 il existe bien une surmortalité sur le bassin industriel de Lacq qui regroupe 4 pôles chimiques.
L’étude publiée par Santé publique France a de nombreux manquements ce qui ne permet pas une analyse complète de la situation.
Une première étude universitaire de l’ISPED conclue en 2002, portant sur une période d’étude de 1968 à 1998 montrait une surmortalité sur les affections respiratoires et certains cancers sur la zone la plus proche des usines de la zone de Lacq chez les moins de 65 ans (surmortalité de 14% dans la zone 1 la plus proche des usines, par rapport aux deux autres zones moins proches)
sepanso64.org/spip.php ?article212
Cette première étude n’avait été publiée qu’en 2016 par la SEPANSO, alertée par la Cour de Comptes qui en avait eu connaissance
On peut donc déjà considérer que cette étude a été cachée par les pouvoirs publics pendant plus de 10 ans, contrairement à l’obligation d’information du public en matière d’environnement (convention d’Arhus, Charte constitutionnelle de l’environnement).
La nouvelle étude de Santé Publique France publiée en novembre 2021 sur son site constitue une suite de la première étude, couvrant la période jusqu’en 2014, mais en utilisant deux méthodologies différentes, qui aboutissent à des interprétations différentes.
1 – Des conclusions communes à toutes les études : une surmortalité avérée
Les habitants du bassin de Lacq sont exposés à une surmortalité pour les affections respiratoires hors
cancers confirmée par toutes les études, en comparaison avec les habitants du reste de l’Aquitaine
(et aggravée dans les deux zones les plus proches des usines) (Conclusion étude de mortalité p31)
2 - Des données comparées qui ont disparu dans l’étude 2021-1
En 2021, l’étude de Santé Publique France contient deux sous-études. La première (2021-1) reprend la même méthodologie et le même découpage géographique que l’étude de 2002, en prolongeant l’analyse des résultats jusqu’en 2014.
Mais la comparaison des mortalités entre les différentes zones a disparu.
En effet la première étude de 2002 montrait « une surmortalité dans la zone définie comme exposée la plus proche de l’usine de Lacq par rapport à des zones plus éloignées ».
Or l’étude publiée en 2021 ne reprend pas cette comparaison de mortalité entre les différentes zones, hormis pour la mortalité due aux maladies respiratoires hors cancer.
La comparaison de la mortalité entre les deux premières zones et la zone la plus éloignée des usines, qui montrait de vraies différences dans l’étude de 2002, a disparu dans l’étude de 2021-1.
De plus les seuls résultats présentés sont une sorte de moyenne sur une période très longue (+ de 50 ans) durant laquelle de notables changements de population ont pu avoir lieu. Les résultats entre deux recensements (environ 9 ans) seraient plus représentatifs et ont toute leur importance dans ce type d’étude.
La SEPANSO demande la publication complète de ces éléments de comparaison entre zones, pour toutes les causes de décès et entre deux recensements.
En effet, une étude intermédiaire présentée en 2019 mettait en évidence une surmortalité de 10% pour toutes les causes de décès dans la zone la plus proche des industries par rapport à la zone intermédiaire et de 15% pour la zone la plus proche des industries en comparaison à la zone la plus éloignée.
On notait également une surmortalité pour tous les cancers dans la zone 1 par rapport à la zone 2.
3- Des données qui ont aussi disparu dans l’étude 2021-2
En outre, dans l’étude de 2021-2, le découpage de ces zones a été modifié sans qu’une explication claire soit publiée, ce qui biaise le résultat statistique.
En effet il est clair que plus on augmente la taille des zones plus il est difficile de faire ressortir les contrastes entre les zones et plus on réduit la taille de la zone la plus proche du complexe industriel par rapport aux autre zones (diminution de la population) plus on augmente l’incertitude jusqu’à ne plus pouvoir avoir une comparaison significative.
Pourtant, dans cette seconde étude 2021-2, Santé Publique France écrit que « des excès de risque de décès par pathologies non cancéreuses de l’appareil respiratoire et circulatoire (?) sont observés dans la zone intermédiaire ».
Ce qui confirme que ces pathologies sont en excès dans les deux zones
les plus proches des usines.
Simplement, les résultats statistiques comparés entre la zone 1 et 2 sont
faussés par le fait que le périmètre de la zone 1 a été retréci [1]
et celui de la zone 2 a été élargi [2],entre l’étude de 2002 et la seconde étude 2021-2.
Enfin, l’analyse de la mortalité par périodes de 6 ans, qui est possible en se fondant sur les recensements, n’apparaît pas. Les taux de mortalité recensés des années 2006 et 2011 ne sont ainsi pas exploités ni publiés, et ne permettent pas de vérifier finement l’évolution dans le temps des
surmortalités.
La combinaison d’une taille plus petite et de l’intégration sur 15 ans peut amener à ne pouvoir tirer de conclusions.
4 - Une situation qui s’aggrave dans le temps, pour les cancers et les personnes plus jeunes, mais n’est plus étudiée…
L’enquête de 2002 montrait que, pour la mortalité générale :
la surmortalité augmente pendant l’enquête dans le temps, de décennie en décennie chez les moins de 65 ans. Elle s’aggrave également dans l’espace en s’approchant des industries
[3]
Pour les cancers respiratoires, l’étude de 1982 faisait apparaître
« une tendance plus marquée de surmortalité dans la période la plus récente. Ainsi, un excès significatif de mortalité de 56% est noté au-delà de 1990 » dans la zone la plus proche des usines par rapport aux zones plus éloignées.
[4]
Dans les études de 2021, ces données, si elles ont été relevées, n’ont pas été exploitées, vérifiées ou en tout cas publiées.
[5]
Il manque donc un résultat essentiel qui était au cœur de l’étude de 2002, et de la présentation de 2019 :
la comparaison entre zones pour les moins de 65 ans pour la période
1968 – 2014 (étude 2021-1), voire pour la période 1998-2014 (étude 2021-2).
De plus les seuls résultats présentés sont une sorte de moyenne sur une période très longue (+ de 50 ans) durant laquelle de notables changements de population ont pu avoir lieu.
Les résultats entre deux recensements (environ 9 ans) seraient plus représentatifs et ont toute leur importance dans ce type d’étude.
Cette dissimulation permet de dédramatiser la situation et de ne parler que de la surmortalité due aux affections respiratoires hors cancers.
Des lacunes, encore des lacunes…
Enfin, toutes ces études sont fondées sur l’exposition des habitants vivant dans le complexe ou à proximité de la zone de Lacq pendant les périodes étudiées.
Elles ne permettent donc pas d’inclure dans les statistiques des personnes ayant vécu dans la zone exposée qui ont déménagé en dehors de
ces zones, notamment à la fin de leur vie.
Les études complémentaires en cours (morbidité en particulier) devront reprendre ces éléments..
Mais elles ne recensent pas les personnes encore en activité ou ayant travaillé dans les industries du complexe et ne vivant pas ou plus sur les zones étudiées.
La mise en parallèle de données sur l’exposition au travail pourrait certainement accroitre encore l’impact des pollutions du Bassin de Lacq sur la santé publique.
Nous ne pouvons que déplorer le manque d’éléments dans la publication de l’étude de mortalité par Santé Publique France.
En l’état la publication faite peut être considérée comme une interprétation
dirigée et non objective des données.
C’est pourquoi nous demandons la publication COMPLETE de
l’étude avec toutes les pièces manquantes