Le sort du grand tétras entre les mains de la Commission européenne
Article mis en ligne le 26 septembre 2011
dernière modification le 2 février 2012

L’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas) a déposé le 27 juillet 2011 une plainte auprès de la Commission européenne au sujet de la stratégie nationale de conservation du grand tétras. La gestion de cette espèce en danger serait confiée au monde de la chasse !

Le grand tétras : une espèce en déclin

Ce gallinacé emblématique de nos forêts montagnardes voit ses effectifs régresser de manière continue depuis une trentaine d’années. L’espèce est d’ailleurs classée dans la catégorie "vulnérable" sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Selon l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), les effectifs du grand tétras en France atteignent seulement 4 000 à 4 500 adultes.

Dans les Pyrénées, qui abritent près de 90 % de la population française de grands tétras, la perte des effectifs s’élève à 60 % au cours des vingt dernières années. C’est pourtant le dernier endroit en Europe occidentale où la chasse au grand tétras est encore autorisée !

La stratégie nationale en faveur du grand tétras : un arbitrage en faveur du pire

En 2009, l’État a décidé de mettre en place une stratégie nationale de conservation du grand tétras. Sa rédaction a été confiée à des associations spécialisées (la Ligue pour la Protection des Oiseaux, en collaboration avec le Groupe Tétras France et Réserve Naturelle de France et l’Office National des Forêts). Élaborée en concertation avec les différents acteurs de ce dossier (forestiers, chasseurs, professionnels du tourisme, etc.), elle a été validée par le Muséum National d’Histoire Naturelle et par le GEOC (Groupe d’Étude des Oiseaux et de leur Chasse).

Or, le texte qui a été présenté par le ministère de l’Écologie au Conseil National de Protection de la Nature et à la consultation publique (qui a eu lieu du 8 juin au 8 juillet 2011) retient les options les plus défavorables sur deux points cruciaux pour l’avenir de l’espèce :

  • pour le volet chasse, un plan de gestion des populations fixé et contrôlé par les chasseurs eux-mêmes,
  • pour le volet sylvicole, une définition de l’« habitat favorable au tétras » erronée et contestée par tous les spécialistes.

L’option du plan de gestion cynégétique n’a jamais été discutée au sein du Comité de suivi de la Stratégie. Pourtant, face à l’impossibilité de parvenir à un consensus avec le monde la chasse sur la question du statut de protection de l’oiseau, le Comité avait proposé 3 scenarii :

  • la protection intégrale de l’espèce, soutenue par l’ensemble des associations de protection de la nature et par le MNHM
  • un moratoire de la chasse de 5 ans, proposé par le GEOC
  • un plan de chasse à l’échelle du massif pyrénéen, demandé par les chasseurs.

La solution retenue unilatéralement par le ministère du plan de gestion cynégétique est même une régression car, dans la plupart des départements pyrénéens, l’espèce est soumise à un plan de chasse.

En faisant le choix de ne pas limiter plus sévèrement les prélèvements de coq et de définir de manière laxiste son habitat, le ministère de l’Écologie compromet gravement l’avenir de cet oiseau emblématique de nos montagnes.

Le classement du grand tétras comme espèce protégée est la seule solution pour infléchir le déclin de l’espèce. Elle permettrait, outre l’interdiction de la chasse, de donner un cadre règlementaire aux indispensables mesures de protection pour cet oiseau et son biotope.

Vers une nouvelle condamnation de la France par la justice européenne ?

« Devant cette mauvaise foi, et les très graves répercussions que cela aura pour l’avenir de cette espèce garante d’un bon état de nos forêts, l’ASPAS n’a pas d’autres choix que de saisir, une nouvelle fois, la Commission Européenne » déclare Pierre Athanaze, président de l’ASPAS.

La France ne respecte pas ses obligations de protection et de préservation de la biodiversité. Le grand tétras des Pyrénées est une sous-espèce qui n’est présente qu’en France, en Espagne et en Andorre. Ces deux derniers pays ont depuis très longtemps décidé de protéger intégralement cette espèce. Mais leurs efforts sont compromis par la France qui, non seulement, fuit ses responsabilités, mais participe ainsi, en toute connaissance de cause, à l’extinction de l’espèce !

La France a été condamnée, il y a quelques mois, par la Cour de Justice de l’Union Européenne, pour n’avoir pas agi pour sauver ses derniers grands hamsters, le Grand hamster d’Alsace, dont restent seulement trois noyaux de populations dans le Haut Rhin et dans le Bas Rhin. Elle encourt une nouvelle condamnation. Encore une !

B.T.