Conférence de presse du 17 mars 2014
Rappel des faits
ARKEMA à Mont utilise comme solvant, dans un procédé unique au monde, une substance, le CCl4 (ou tétrachlorure de carbone), connue pour être potentiellement cancérogène, mutagène et reprotoxique et pour être un destructeur de la couche d’ozone.
En vertu du Protocole de Montréal, le niveau maximal d’émissions de substances qui appauvrissent la couche d’ozone pour l’ensemble de l’Union européenne est de 17 tonnes par an. Ces 17 tonnes valent pour toutes les substances réglementées (résultant de leur utilisation comme agent de fabrication).
En 2010, le taux d’émission dans l’air alloué à ARKEMA sur son site de Mont par arrêté préfectoral était de moins d’une tonne par an.
Or, en juillet 2013 nous apprenons que l’entreprise avait émis 118 tonnes de CCl4 pour la seule année 2011. La Direction régionale de l’environnement de l’aménagement et du logement (DREAL) en a été informée en 2012. Cela était dû, nous dit-on, à des dysfonctionnements récurrents.
Même si nous ne connaissons pas les quotas alloués par l’Union européenne à l’entreprise, il est évident - au vu de la quantité d’émissions rejetées par celle-ci – qu’aucune norme n’était respectée. Ni celles demandées par l’État français ni celles demandées par la Commission européenne.
Les autorités françaises
Dans le rapport soumis au Conseil départemental de l’environnement des risques sanitaires et technologiques (CoDERST) de juillet 2013, il est écrit que " les perspectives permettent d’envisager des émissions annuelles inférieures à 13 tonnes ce qui se révèle insuffisant pour respecter le quota alloué à ARKEMA mais qui constitue cependant une réelle avancée par rapport à la situation antérieure ".
La préfecture a annulé l’arrêté de 2010 pour en publier un autre qui désormais ne contient aucun chiffre, aucune valeur de rejets de CCl4 à ne pas dépasser. Ce nouvel arrêté d’août 2013 est emblématique du laissez-faire, du laissez passer, de la déréglementation. On passe de 0,8 tonne par an à on ne sait plus quoi. Le fait prime le droit.
La Commission européenne
Bien que les émissions d’ARKEMA constituent une violation manifeste de la règlementation et des engagements de l’Union européenne au titre du Protocole de Montréal, la Commission se contente de prendre acte de ces dépassements – qualifiés d’"erreurs" - et de modifier le quota alloué à l’entreprise. Le gouvernement français et le lobby industriel ont manœuvré dans l’ombre avec une parfaite entente.
Aucune condamnation, aucune contrepartie ou exigence de la Commission européenne quant à la modification de ce processus industriel vieux de 50 ans.
Le marché des quotas ou l’illusion de la lutte contre la pollution et le changement climatique
Concernant le marché des substances ayant un impact sur la couche d’ozone, l’Union européenne a établi les mêmes mécanismes d’échanges de "droit à polluer" que pour le marché carbone.
Les entreprises se voient attribuer des quotas d’émissions à ne pas dépasser. Avec quelques nuances et non des moindres.
En effet, les entreprises qui dépassent ces quotas sont autorisées à "acheter" les reliquats aux autres entreprises et inversement, celles qui n’utilisent pas entièrement leur quota ont le droit de revendre leur reliquat à d’autres industries listées.
Et comme si cela ne suffisait pas, des quotas d’appoint d’une substance à une autre peuvent être transférés au sein d’une même entreprise.
En Béarn, ARKEMA Mont peut donc continuer à émettre des quantités massives de CCl4 voire à dépasser les quotas d’attribution en toute légalité puisque cela peut se négocier.
L’État recule devant les lobbies ici comme ailleurs : taxe carbone, élevages industriels, nitrates,etc. La politique de protection de la nature est vidée de sa substance, dans tous les domaines, sous prétexte de « simplification administrative et de priorité à l’emploi ».