Alors que les émissions polluantes irritantes allant jusqu’aux bronchospasmes persistent sur le bassin de Lacq(1), les représentants de l’État et le ministère de la santé refusent toujours de prolonger l’évaluation épidémiologique faite par L’ISPED(2) réalisée en 2002 et évoquée par la Cour des comptes au printemps 2015 lors de son Référé n° 71737 du 26 janvier 2015.(3)
Alors que les émissions polluantes irritantes allant jusqu’aux bronchospasmes persistent sur le bassin de Lacq(1), les représentants de l’État et le ministère de la santé refusent toujours de prolonger l’évaluation épidémiologique faite par L’ISPED(2) réalisée en 2002 et évoquée par la Cour des comptes au printemps 2015 lors de son Référé n° 71737 du 26 janvier 2015.(3)
« L’Étude ISPED de 2002 fait ressortir une surmortalité de 14 % chez les moins de 65 ans dans la zone la plus proche des usines » entre 1968 et 1998.
Dans la mesure où l’Agence Régionale de la Santé se refuse à fournir cette étude la SEPANSO se fait un devoir de vous la proposer dans son intégralité. Le chiffre brut est là : 136 décès supplémentaires parmi les 1124 recensés sur une période de 31 ans. Ce chiffre de 136 morts figure dans le résumé de l’étude au chapitre résultat page 3.
1) LES REVELATIONS DE L’ETUDE ISPED
Les conclusions de cet Institut de la faculté de médecine de Bordeaux étaient prudentes mais pointaient du doigt des faits significatifs : il existe bien un gradient dans l’espace : plus on se rapproche des usines, et plus la surmortalité augmente. L’autre gradient est celui du temps : la dernière décennie de la période étudiée se caractérise par une augmentation des cancers de l’appareil respiratoire de 34 % chez les moins de 65 ans par rapport à la zone non exposée n°2. L’étude ISPED souligne « il semble apparaître une tendance plus marquée de surmortalité dans la période la plus récente. Ainsi un excès de surmortalité de 56% significatif est noté au-delà de 1990 dans la zone exposée par rapport à la zone non exposée n°2 »p 25.
L’étude ISPED ne concluait pas à des liens de causalité mais ne les excluait pas, et, bien au contraire, préconisait de poursuivre l’étude entre 1998 et les années suivantes. En effet une étude épidémiologique est là pour faire une photographie de l’existant sanitaire à une période donnée. Elle n’est pas là pour établir obligatoirement des liens de causes à effets mais bien pour poser des questions.
L’Institut National de Veille Sanitaire (INVS) a validé l’étude ISPED et a demandé, comme la Cour des Comptes, qu’elle soit poursuivie. Face à ces demandes, et à celles de trop rares élus, la ministre de la santé, Mme Touraine, n’a toujours pas engagé l’étude préconisée par ces trois organismes publics.
2) L’ETUDE ISPED DE 2002
« Étude géographique du risque sanitaire autour du site industriel de Lacq » signée par Laurent Filleul, Anne Cantagrel, Isabelle Baldi, Patrick Brochard.
Origine de l’étude :
La loi du 30/12/1966 appelée loi LAURE Loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie instaure dans chaque région la mise en place d’un Plan Régional de la Qualité de l’Air. En Aquitaine il a été décidé de mener des études afin de mieux connaître l’impact sur la santé de la pollution des grands sites industriels. C’est ainsi que cette étude a été faite sur le bassin de Lacq. En effet, pendant des décennies ce sont 700 tonnes par jour d’anhydride sulfureux qui étaient rejetées dans l’atmosphère sur le bassin de Lacq. L’étude ISPED dans son chapitre 2 cite de nombreuses études internationales qui ont prouvées une corrélation avérée entre pollution au SO2 et cancers et maladies respiratoires y compris chez les non fumeurs.
La méthode de l’étude ISPED de 2002 :
Cette étude est une étude épidémiologique conçue pour observer globalement la situation de 1968 à 1998 en choisissant trois zones concentriques de 22 OOO habitants chacune : On voit sur la carte la « Zone exposée » avec les communes les plus proches des quatre plateformes industrielles (p12 et 13).
L’intérêt d’une étude concentrique est d’éviter une source d’erreurs liée à des comparaisons non fondées : L’étude compare donc la population des trois zones entre elles puis avec celle de l’ensemble de l’Aquitaine.
Sur préconisation de la DRIRE (Actuellement DREAL Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement), une Zone dite Exposée (ZE) a été définie à partir des courbes d’iso-pollution. Elle englobe les communes allant d’Arthez à Parbayse et de Maslacq à Serres-Sainte Marie soit 22 communes les plus proches des quatre plateformes industrielles (p36). Si, pendant la période de l’étude, la mortalité demeure plus faible que dans le reste de l’Aquitaine, excepté pour la mortalité par maladies respiratoires, il n’en n’est pas moins vrai que, dans la Zone Exposée, l’ISPED constate diverses aggravations :
Mortalités générales : la surmortalité augmente pendant l’enquête dans le temps, de décennie en décennie chez les moins de 65 ans. Elle s’aggrave également dans l’espace en s’approchant des industries. (étude page 23) surmortalité de 14 % chez les moins de 65 ans dans la zone la plus proche des usines » entre 1968 et 1998.
Ensemble des cancers : Dans le chapitre 5.2 de l’étude ISPED Comparaison de la mortalité dans la zone « exposée » à la mortalité dans les zones « non exposées »on peut lire : « Alors qu’une tendance à la sous-mortalité (de l’ordre de 20 % )était notée dans la zone exposée avant 1976, une inversion de tendance apparaît au cours du temps et aboutit à une surmortalité de 30 à 40 % dans la période de 1991-98 » ISPED (chap 5.2.2/ p25.)
Cancers respiratoires : Dans le chapitre 5.2 de l’étude ISPED Comparaison de la mortalité dans la zone « exposée » à la mortalité dans les zones « non exposées » on peut lire : « Bien que les effectifs de décès soient faibles (annexe 4), il semble apparaître une tendance plus marquée de surmortalité dans la période la plus récente. Ainsi, un excès de mortalité de 56% significatif est noté au-delà de 1990 dans la zone exposée par rapport à la zone non exposée n°2 ».
REFLEXIONS DE LA SEPANSO 64 SUR L’ETUDE ISPED :
L’absence de preuve de causalité est normale dans une étude d’observation d’autant qu’il n’est pas dit qu’il n’y a aucune preuve de cause à effet. Il est dit que l’on ne voit pas de biais évident qui pourrait expliquer cette mortalité. Pas plus qu’il n’existe de biais, de moyens évidents pour expliquer qu’elle soit due à autre chose que la pollution chimique de cette zone. La sous-mortalité de la région d’étude par rapport au reste de l’Aquitaine n’est pas un argument contre le risque. C‘est simplement une observation. La population de cette zone du Béarn a peut être un mode de vie protecteur par rapport à la moyenne de la population d’Aquitaine. L’intérêt d’une étude concentrique est justement d’éviter le biais lié à une comparaison avec une population non comparable.
Le fait que ce gradient soit plus net chez les jeunes est un facteur de gravité. Une augmentation du risque chez les jeunes c’est une augmentation qui se répercute ensuite quand ces jeunes deviennent adultes. Cette hausse de la mortalité a toutes les chances de s’être amplifiée depuis 1998 (fin de l’étude).C’est d’autant plus probable que l’on observait déjà une aggravation dans les dernières années étudiées. L’accroissement dans la période est aussi plutôt en faveur d’un risque associé à de nouveaux polluants ou à un effet de synergie entre tous ces nouveaux polluants.
Ces deux éléments -effet chez les jeunes et augmentation au cours du temps- sont autant d’arguments qui justifient une nouvelle étude. Depuis la fin de l’étude, la surmortalité a très probablement continué à s’aggraver à cause des effets retards et cumulatifs des produits toxiques souvent cancérigènes.
3) UN SCANDALEUX SILENCE
Visiblement, une fois de plus, la Préfecture, l’Agence Régionale de Santé (ARS), les industriels et les élus ont tout fait pour cacher cette étude de 2002 et ne lui donner aucune suite. La principale question demeure :
Qu’est devenue, 17 ans plus tard cette population jeune déjà très affectée par la pollution chimique ?
Là encore, pour la Préfecture et les autorités, il n’est pas question de chercher la réponse et encore moins de le faire savoir, tout comme il n’est pas question non plus de faire connaître l’étude ISPED au grand public. C’est dans un simple but de diversion qu’une Étude de Risque Sanitaire de Zone (ERSz), a été demandée au bureau d’étude BURGEAP en 2004 et réactualisée en 2013. Cette étude payée par l’État et les industriels ne sélectionne que 5 substances en se basant sur les chiffres de rejets fournis par ...ces mêmes industriels.
Or, l’ARS reconnaît qu’il existe au moins 140 polluants rejetés à Lacq (4). Certes, le bassin de Lacq ne rejette plus dans l’atmosphère 800 Tonnes par jour d’anhydride sulfureux et 900 kilos de fluor comme dans les années 70 provenant respectivement de SNPA/ELF et de Péchiney mais les nouvelles substances rejetées et leurs produits de dégradation (métabolites) sont à la fois mal cernées et très inquiétantes.
Il ne faut pas oublier qu’il y a sur le bassin de Lacq une vingtaine de sites classés SEVESO et 210 points de rejets connus. Déjà l’étude ISPED en 2002 soulignait le danger de la multiplication de nouvelles substances et entre autres : Composés Organo Volatiles (COV), les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP). D’autres polluants inquiètent la SEPANSO : Chimie du soufre, acide, acroléine, pesticides, nitrate d’ammonium… Le risque des effets cocktails n’est pas étudié.
Nous savons désormais par l’étude expérimentale menée sur du vivant par l’Université de Montpellier, la gravité de ces synergies qui concernent jusqu’à des milliards de combinaisons possibles dans l’environnement du français moyen (résidus de pesticides et perturbateurs endocriniens).
La manière dont l’ARS a cherché à étouffer, cacher, dénigrer l’étude ISPED est particulièrement choquante :
Le 9 décembre 2009, le représentant de l’Agence Régionale de Santé (ARS), avait préféré déclarer devant le Haut Comité de la Santé Publique (4) qu’une telle « étude épidémiologique avait été finalement écartée, la demande sociale étant inexistante, l’utilité discutable et le coût élevé » (p.20, P J). Autre argument de ce fonctionnaire : « le lancement d’une étude fait courir le risque, dès lors, de briser la paix sociale » (p .18). Et encore « il convient de rappeler que la population est relativement faible sur la zone de Lacq » (il s’agit pourtant d’après ISPED de 22 000 personnes dans la Zone Exposée).
Nous ne savions pas que de tels écrits puissent être acceptables en démocratie au XXI ° siècle.
L’ARS avec constance, continue aujourd‘hui, en 2016, de refuser de fournir l’Étude ISPED. Pour éviter toute discussion, l’ARS prétend qu’il faudrait des masses de population de l’ordre de 500 000 habitants pour réaliser une étude épidémiologique. Cet argument n’est pas recevable puisque l’étude ISPED a été validée par l’INVS et tous les spécialistes que la SEPANSO a consultés. En effet le prétexte de l’ARS du « manque de puissance » n’est pas fondé : ce qui compte c’est le risque par unité de temps. En épidémiologie on travaille en termes de Personne/Année. Or, 60 000 habitants (environ 20 000 personnes pour chaque zone) multipliés par 31 ans c’est 1 860 000 personnes.
Nous demandons le rajout des 17 dernières années.
4) REACTIONS DES POLITIQUES FACE A LA COUR DES COMPTES
La Cour des Comptes écrit : « Il n’a pas été réalisé d’étude épidémiologique complémentaire contrairement aux préconisations. Les dispositions du plan national santé prévoient la possibilité d’échanges d’informations anonymes entre les services de la médecine du travail et les services de santé publique. Ces dispositions n’ont pas été mises en œuvre pour le bassin de Lacq ». La Cour des Comptes estime avec l’Institut National de Veille Sanitaire (INVS) que l’étude ISPED aurait du déboucher sur des investigations complémentaires.
Réponses des ministères concernés :
Point de vue de Ségolène Royal :
Les arguments de l’ARS sont confortés sous les prétextes habituels : intérêt limité car la pathologie serait multifactorielle, population réduite ce qui limite la puissance des études, difficulté de mettre en évidence un lien de cause à effet entre source d’émission et effets sanitaires observés. Cependant Mme Royal se déclare favorable à une étude épidémiologique (p.10).
Point de vue de Marisol Touraine
L’Étude ERS de Zone réalisée de 2004 à 2007 est en cours d’actualisation élargie à l’ensemble des pollutions passées s’appuyant sur la méthode d’interprétation de l’état des milieux, des études locales d’imprégnation à des bio-marqueurs d’exposition pourraient être envisagées, des GAST Groupes d’Alertes en Santé du Travail pourraient être mis en place.
Déclaration du député David HABIB, élu dans la zone concernée :
« Je ne veux pas participer à une exégèse de ce rien. » déclara-t-il sur Radio France Bleue Béarn https://www.francebleu.fr/infos/climat-environnement/bassin-de-lacq-la-cour-des-comptes-epingle-les-pouvoirs-publics-1428605494
Il est évident que la Préfecture, l’ARS, Agence Régionale de Santé, les industriels et les élus ont tout fait et continuent à tout faire pour cacher l’étude ISPED de 2002 et ne lui donner aucune suite.
Seuls cinq élus béarnais (Loïc Coutry conseiller municipal de Laa Mondrans, Saturnin Garcia conseiller municipal d’Artix, David Grosclaude Conseiller Régional, Cédric Laprun conseiller municipal de Lasseube et Patrick Mauboulès conseiller municipal de Billère ont envoyé un courrier à la Ministre de la santé demandant une étude épidémiologique.
5) LES DEMANDES DE LA SEPANSO 64 :
Réaliser l’étude épidémiologique : Cela est préconisé par l’Institut de Santé Publique d’Épidémiologie et de Développement, par l’Institut National de Veille Sanitaire et la Cour des Comptes. Un allongement de la période d’observation permettra d’augmenter le nombre de décès attendus. L’étude n’a porté que sur 1968-1998. Il est nécessaire de la poursuivre sur 17 années de plus.
Réaliser plusieurs types d’études car chaque type d’étude a son utilité : Les Études de Risques Sanitaires de zone (ERSz) ont leur utilité mais ne remplacent pas l’observation des études épidémiologiques. Les études ERSz sont des modélisations à partir de polluants identifiés pour une population donnée. Comme nous le disons et comme le souligne la Cour des Comptes, elles ne prennent pas en compte la pollution globale et l’effet cocktail. C’est le croisement avec d’autres types d’études qui permettra d’aller plus loin dans la recherche des causes : Ainsi une étude sur la population résidante permettrait de dire si cette dernière est atteinte ou non par un « effet cocktail ». De même une étude type Interprétation de l’État des Milieux (IEM), se basant sur des données plus larges et plus sûres du terrain est possible D’autres types d’études sont souhaitables à partir des caisses de retraite des travailleurs du complexe. On étudierait alors des populations de salariés ce qui pourrait être instructif.
Mettre en place un Observatoire de la population afin de :
réaliser l’étude de l’effet des polluants multiples, les fameuses 140 substances et leurs métabolites avec des effets de synergie possibles : cela est complexe mais doit être entrepris. La mise en commun des bases de données permet d’avoir des systèmes de surveillance moins coûteux et plus efficace.
Rendre publique études et documents anciens, actuels et à venir concernant la santé publique
Finaliser l’étude sur les odeurs demandée en 2014 et commencée en Août 2015. Nous attendons des résultats tangibles.
Afficher les principaux polluants sur panneaux lumineux le long de la route Pau-Bayonne : C’est une demande de la SEPANSO qui remonte à …1973 !
Rendre publiques les dysfonctionnements industriels et les PV dressés contre les actes délictueux.
DELOCALISER les études sanitaires hors de la tutelle de l’ARS Aquitaine qui a failli à sa mission.
Conclusion
: La prétendue « culture du risque industriel » dont se vantent industriels, politiques et leurs communicants est inexistante à Lacq. Les risques sont passés sous silence. Tout a été fait et continue à être fait depuis 2002 pour occulter l’étude ISPED : Il y a bien une surmortalité à Lacq. La Cour des Comptes et son président, le Président Migaud ont enfin posé le problème.
SEPANSO 64, le 07/03/2016
(1) http://www.sepansobearn.org/spip.php?rubrique9
(2) Institut de Santé Publique d’Épidémiologie et de Développement. (Pièces jointes n °2, 3, 4, 5).
(3) https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/La-gestion-publique-de-la-mutation-industrielle-du-bassin-de-Lacq
(4) lors de son audition auprès du Haut Comité de Santé Publique et publié dans le rapport de « l’évaluation des risques sanitaires dans les analyses de zones » en décembre 2009 p19 http://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=191 + (pièce jointe n°6).