Depuis sa création en 1969, la SEPANSO est de tous les combats touchant la protection de l’environnement en Aquitaine.
En matière d’énergie, de climat ou de transports, elle a lutté contre la construction des centrales nucléaires de Golfech et Braud-et-Saint-Louis, leur préférant la sobriété énergétique et les énergies renouvelables, elle s’est battue contre le tunnel du Somport lui préférant la réouverture de la voie ferrée Pau Canfranc et s’est fortement mobilisée contre le contournement autoroutier de Bordeaux, mis en sommeil mais toujours menaçant, puis contre la construction de l’autoroute A65, pourtant présentée par ses promoteurs comme une infrastructure écologiquement vertueuse, indispensable au désenclavement de l’Aquitaine. Aujourd’hui encore, nous continuons d’ailleurs à dénoncer cette infrastructure inutile, coûteuse et dévastatrice encore présentée par le concessionnaire, certains élus et même la DREAL Aquitaine comme une parfaite réussite environnementale, compatible avec le Grenelle.
Aujourd’hui, d’autres projets de grands chantiers d’infrastructures, inutiles, dévastateurs et hors de prix, dont le choix relève de méthodes plus que contestables et de processus de décisions défaillants et partiaux, menacent une fois de plus les derniers grands espaces naturels de notre région.
Il s’agit des projets de LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne, décidés contre la volonté de la population et des élus de terrain et dont les tracés ont été imposés malgré la très forte opposition citoyenne exprimée durant deux débats publics en 2005 et en 2006 puis ont ensuite été finalisés à l’issue d’un simulacre de concertation, retenant chaque fois de façon inexplicable les choix de passage les plus mauvais pour l’environnement.
L’ouverture de ces nouvelles saignées en dehors des corridors de transport existants aurait pour conséquence la stérilisation de milliers d’hectares de milieux naturels, forêt et terres agricoles, doublée d’une fragmentation durable de l’espace traversé. Une analyse des premiers résultats des inventaires mis en ligne sur le site internet de RFF, montre que 155 sites à forts enjeux écologiques, parmi lesquels 12 sites Natura 2000, risquent d’être impactés.
Ces deux projets, regroupés sous le nom de GPSO (Grands projets du Sud Ouest), sont présentés comme une avancée technique répondant à des besoins futurs de mobilité, mais en filigrane on retrouve à la fois le souhait de quelques grands élus de marquer leur passage par de grandes réalisations, symboles de modernité, et le besoin impérieux de remplir les carnets de commande du BTP en ouvrant de grands chantiers qui comme au XIXème siècle, sont censés apporter le bonheur et la prospérité.
Quand on regarde de plus près, on constate que ce sont curieusement les mêmes qui ont imposé l’A65 au prétexte de « désenclaver » Pau, qui utilisent des fonds publics pour soutenir le low cost et qui maintenant prétendent vouloir favoriser le report modal en créant des LGV…
Paradoxalement, pour des projets censés permettre un gain de temps maximum, les tracés des deux LGV du GPSO viennent faire des détours importants (près de 70 km pour Bordeaux Espagne et près de 40 pour Bordeaux-Toulouse) dans des secteurs naturels agricoles ou forestiers, aggravant d’autant le bilan carbone en phase chantier [1] mais aussi en phase d’exploitation [2]. Compte tenu de l’allongement des distances, on en arrive, malgré des investissements excessivement lourds, à des gains de temps ridicules par rapport à une modernisation bien faite des voies existantes. Ceci avec une dépense énergétique fortement accrue, pour des trains qui vont parcourir davantage de kilomètres à une vitesse plus élevée. Car la grande vitesse, faut-il le rappeler, est génératrice d’une consommation bien plus importante, proportionnelle au carré de cette vitesse [3]. L’usure de l’infrastructure et du matériel roulant augmente elle aussi de façon exponentielle avec la vitesse qui se paye ainsi au prix fort.
De plus, on savait dès le débat public du projet ferroviaire Bordeaux-Espagne en 2006, que RFF avait largement surestimé la saturation des voies afin de justifier l’ouverture de lignes nouvelles. On vient maintenant de découvrir que pour chiffrer le bilan carbone de ses projets, Réseau Ferré de France s’est appuyé sur un facteur d’émission des TGV 8 fois plus faible que celui suggéré par l’ADEME [4] ce qui relativise largement les prétendus bénéfices de tels projets en terme d’émissions de GES. Le besoin accru en énergie et le recours aux énergies carbonées sont quant à eux attestés par un projet de centrale thermique à Captieux en Sud-Gironde, destinée à alimenter les LGV, faute de réseau électrique suffisant.
Aujourd’hui les projets des deux lignes du GPSO (Bordeaux-Espagne et Bordeaux-Toulouse) se chiffrent entre 16 et 18 milliards d’euros. Soulignons que ces investissements très lourds se font toujours au détriment de l’entretien du réseau ferré classique dont l’utilité pour les déplacements quotidiens de milliers d’usagers n’est plus à démontrer. L’abandon de certaines dessertes pour cause de LGV aura paradoxalement pour conséquence immédiate un recours accru à l’usage de l’automobile et, à terme, les lignes laissées à l’abandon feront cruellement défaut, quand le prix du pétrole incitera les usagers des transports à vouloir davantage utiliser le rail dans leurs déplacements quotidiens.
Nous soulignerons aussi que sur les lignes nouvelles le positionnement des gares à l’extérieur des villes implique un usage systématique de l’automobile pour s’y rendre. De même, les coupures de territoires, mal compensées par des rétablissements de voirie trop espacés, occasionnent des parcours kilométriques plus longs pour les riverains dans leurs déplacements quotidiens, ce qui chaque fois aggrave l’impact des LGV en matière d’émissions de GES.
Nous noterons encore que, compte tenu du prix des péages appelé à croitre de façon importante pour amortir les investissements très lourds pour des lignes assez peu fréquentées, le TGV sur voies nouvelles dédiées sera de plus en plus réservé à une élite circulatoire financièrement aisée, contrairement à ce qu’aimeraient croire certains. Paradoxalement, si toutes les LGV étaient construites, le prix du billet pourrait être si élevé sur certains trajets que l’avion risquerait de devenir plus compétitif car moins cher et de drainer davantage de clientèle, allant à l’inverse du but poursuivi.
En tout état de cause, la plupart de ces lignes nouvelles ne pourraient être rentables qu’au prix d’un accroissement insoutenable de la mobilité, avec des conséquences climatiques négatives.
L’inutilité des lignes du GPSO n’est pas une simple affirmation des opposants. Elle a été confirmée chaque fois que des études indépendantes ont été produites. Que ce soit sur Bordeaux-Espagne [5] ou sur Bordeaux-Toulouse [6], il ressort de ces études que le réseau n’est pas saturé et que l’aménagement et la modernisation des voies existantes offriraient des temps de parcours très proches pour des investissements bien moins élevés.
Compte tenu de tout ce qui précède, il est compréhensible que notre fédération soit extrêmement critique vis-à-vis des projets LGV du Grenelle dont le coût environnemental et économique est tout à fait disproportionné au regard des services attendus.
Cet avis se situe aux antipodes de celui des adorateurs de la grande vitesse pour qui ne comptent que la performance technique et les minutes gagnées pour un hypothétique report modal et qui, par ailleurs, font preuve d’un aveuglement total sur les très nombreuses conséquences environnementales négatives des LGV. Ce refus des LGV par la SEPANSO est celui d’une fédération d’APNE, favorable au ferroviaire plutôt qu’à la route ou à l’avion, mais opposée aux grands chantiers inutiles, ruineux et dévastateurs, d’autant plus que le choix de ces chantiers relève chaque fois de méthodes et de processus de décisions défaillants et partiaux.
Fait à Bordeaux, le 20 janvier 2012